Publié le 15 mars 2024

La surveillance au Québec ne se résume pas à un choix binaire entre sécurité et vie privée, mais à une redéfinition progressive de notre espace public par un consentement implicite.

  • Chaque technologie de surveillance, des drones aux caméras corporelles, nous fait accepter un nouveau degré de traçabilité.
  • Le cadre légal québécois (Loi 25, Charte) exige une proportionnalité stricte que de nombreux usages, comme la biométrie superflue, ne respectent pas.

Recommandation : L’enjeu n’est pas de refuser la technologie, mais d’exiger une friction démocratique et un débat sur la finalité de chaque outil de surveillance avant son déploiement.

Le sentiment est familier. En marchant dans une rue de Montréal, en attendant le bus à Québec ou en entrant dans un centre commercial, nos regards croisent de plus en plus souvent l’œil impassible d’une caméra de surveillance. La réaction initiale est souvent un haussement d’épaules, une acceptation tacite au nom d’un impératif supérieur : la sécurité. Cet arbitrage semble simple et domine le débat public. D’un côté, la promesse d’espaces plus sûrs, d’enquêtes facilitées et d’une dissuasion efficace. De l’autre, la crainte d’une société à la Big Brother où chaque fait et geste est enregistré.

Pourtant, se cantonner à cette opposition binaire entre protection et vie privée, c’est passer à côté de la véritable transformation à l’œuvre. Le débat habituel se concentre sur la légalité et les recours individuels, en citant la Charte des droits et libertés de la personne ou la Loi 25. Ces cadres sont essentiels, mais ils ne capturent pas la dynamique plus profonde qui se joue. Chaque nouvelle technologie – un drone au-dessus d’un parc, une caméra corporelle sur un uniforme, un lecteur biométrique à une porte – ne fait pas que s’ajouter à l’arsenal existant. Elle déplace subtilement la norme de ce que nous considérons comme acceptable.

Et si la véritable question n’était pas « sommes-nous trop surveillés ? », mais plutôt « quelle est la nature du consentement progressif que nous donnons en tant que société ? ». Le véritable enjeu n’est pas tant la caméra que l’on voit que l’accoutumance qu’elle installe. Cet article propose de dépasser la simple question du « droit » pour explorer l’éthique de cette normalisation. Nous analyserons comment des technologies spécifiques redéfinissent notre espace public, ce que la loi permet réellement, et surtout, le type de société que nous choisissons, consciemment ou non, de bâtir à chaque nouvelle installation.

Pour naviguer dans ces eaux complexes, nous allons décortiquer plusieurs situations concrètes qui illustrent cette tension au Québec. Cet aperçu vous donnera les clés pour forger une opinion éclairée sur l’équilibre délicat entre la technologie, la sécurité et nos libertés fondamentales.

Avez-vous le droit de faire voler votre drone au-dessus d’un parc public ou d’une foule ?

La vision d’un drone planant au-dessus d’un parc public ou d’un festival est devenue courante, mais elle incarne parfaitement la zone grise entre loisir technologique et surveillance. Légalement, la réponse est nuancée mais tend vers le non. Transports Canada, qui régit l’espace aérien, impose des règles très strictes. Pour la majorité des drones (ceux pesant plus de 250 grammes), il est formellement interdit de survoler des passants à moins d’une distance horizontale de 30 mètres. Survoler une foule est donc, par définition, illégal.

Cette règle ne vise pas seulement à prévenir les accidents physiques, mais aussi à protéger la vie privée. Un drone équipé d’une caméra haute définition peut capturer des images détaillées de personnes qui n’ont jamais consenti à être filmées. C’est ici que notre notion de consentement progressif est mise à l’épreuve. L’acceptation sociale des drones pour des prises de vue spectaculaires nous fait oublier qu’ils sont aussi de puissants outils de collecte de données. Les sanctions en cas d’infraction sont d’ailleurs dissuasives : selon Transport Canada, les sanctions peuvent atteindre 25 000 $ d’amende maximale pour infractions aux règles sur les drones.

Au-delà de la réglementation fédérale, les municipalités québécoises ajoutent leur propre couche de complexité. Certaines interdisent purement et simplement le décollage et l’atterrissage depuis les parcs municipaux. Avant même de penser à filmer, le simple fait d’opérer l’appareil peut être proscrit. Cette fragmentation réglementaire montre qu’il n’existe pas de réponse unique, mais un principe directeur demeure : l’espace public n’est pas un plateau de tournage à ciel ouvert où la vie privée des citoyens peut être captée sans discernement.

Le drone n’est donc pas un simple jouet, mais un objet qui force une réflexion sur les limites de la capture d’images dans des lieux où les citoyens s’attendent légitimement à une certaine quiétude.

Policiers avec caméras : cela protège-t-il le citoyen ou l’agent en cas de litige ?

L’équipement des policiers avec des caméras corporelles est souvent présenté comme une solution miracle pour la transparence et la reddition de comptes. L’idée est simple : un enregistrement objectif des interactions devrait apaiser les tensions, documenter les abus et protéger les agents contre de fausses accusations. La promesse est celle d’une vérité impartiale, captée par la technologie. Au Québec, plusieurs corps de police ont mené ou mènent des projets pilotes, et le débat sur leur déploiement à grande échelle est constant.

Cependant, la question « qui est protégé ? » est loin d’être simple. D’un côté, les partisans de la protection citoyenne y voient un moyen de dissuader les comportements abusifs et de fournir des preuves irréfutables en cas de plainte en déontologie. De l’autre, les syndicats policiers soulignent que ces mêmes caméras peuvent protéger leurs membres face à des allégations non fondées. En théorie, tout le monde y gagne. Mais cette vision optimiste occulte plusieurs enjeux éthiques. Qui contrôle les images ? Quand la caméra est-elle activée ou désactivée ? Comment ces images sont-elles stockées et qui peut y accéder ?

Gros plan sur l'uniforme d'un policier québécois avec une caméra corporelle visible

La caméra ne capture qu’une perspective, celle de l’agent. Elle ne montre pas le contexte global, ni l’état émotionnel de la personne filmée. Elle transforme une interaction humaine en une collecte de données, ce qui soulève des questions fondamentales sur la nature de la police et la relation avec la communauté. Comme le résume un expert, la prolifération de ces technologies doit être encadrée avec une extrême prudence.

Les nouvelles technologies sont de plus en plus intrusives et permettent de recueillir une pluralité de renseignements, dont des données personnelles. Comme pour les bonbons, on doit se limiter, car les usages qu’on peut en faire sont risqués.

– Vincent Gautrais, Professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire en droit de la sécurité et des affaires électroniques

L’enjeu n’est donc pas seulement technique ou juridique, mais profondément social. La caméra corporelle peut être un outil de protection, mais elle peut aussi contribuer à une normalisation de la surveillance dans les rapports les plus sensibles entre l’État et ses citoyens.

La réponse dépendra entièrement du cadre réglementaire, des politiques d’utilisation strictes et de la surveillance civile qui accompagneront leur déploiement.

L’erreur de croire que la reconnaissance faciale est déjà utilisée partout (état des lieux au Québec)

Le terme « reconnaissance faciale » évoque immédiatement des scénarios de dystopie où des gouvernements autoritaires suivent les citoyens en temps réel. Cette crainte, bien que légitime, conduit souvent à une perception erronée de la réalité technologique actuelle au Québec. Non, la reconnaissance faciale n’est pas une technologie massivement déployée dans les caméras de surveillance publiques de la province. Son utilisation est, pour l’instant, très limitée et strictement encadrée en raison des risques majeurs qu’elle fait peser sur la vie privée.

Ce qui est beaucoup plus répandu, c’est l’utilisation d’autres formes d’intelligence artificielle (IA) pour l’analyse vidéo. Ces systèmes sont moins intrusifs mais marquent une étape importante dans la capacité de surveillance. Par exemple, au lieu d’identifier des visages, l’IA est couramment utilisée pour la détection d’objets ou de comportements. Selon un rapport de 2023, 72% des caméras utilisent l’IA pour détecter les véhicules dans les Amériques. Cette technologie permet d’alerter les opérateurs si une voiture stationne dans une zone interdite ou de compter le trafic, des applications qui semblent bénignes.

Cependant, c’est précisément là que le concept de normalisation de la surveillance entre en jeu. En acceptant ces usages « utiles » de l’IA, nous nous habituons à l’idée que les caméras ne font pas qu’enregistrer passivement, mais qu’elles « comprennent » ce qu’elles voient. Parallèlement, la qualité du matériel évolue à une vitesse fulgurante. L’usage des caméras 4 mégapixels, par exemple, a bondi de 250% en un an, offrant un niveau de détail qui rendrait une future reconnaissance faciale beaucoup plus efficace. La capacité technique précède souvent l’autorisation légale, créant une pression pour son adoption.

L’enjeu n’est donc pas seulement de réglementer la reconnaissance faciale, mais de créer une friction démocratique autour de chaque nouvelle capacité d’analyse vidéo, en se demandant si le bénéfice justifie la nouvelle couche de surveillance que nous acceptons.

Photo-radar : peut-on contester l’amende si ce n’était pas vous au volant ?

Les photo-radars sont sans doute l’une des formes de surveillance automatisée les plus acceptées au Québec. Leur objectif est clair : améliorer la sécurité routière en sanctionnant les excès de vitesse et les passages aux feux rouges. Contrairement à une interception par un policier, le constat d’infraction est envoyé par la poste, sur la base de la plaque d’immatriculation. Mais que se passe-t-il si vous n’étiez pas le conducteur du véhicule au moment de l’infraction ?

La réponse est oui, il est tout à fait possible de contester. Au Québec, le constat d’infraction est émis au nom du propriétaire du véhicule, mais c’est bien le conducteur qui est responsable de l’infraction. Si vous avez prêté votre voiture, vous n’êtes pas tenu de payer l’amende ni d’assumer les points d’inaptitude. Cependant, la charge de la preuve vous incombe. Vous ne pouvez pas simplement ignorer le constat ; vous devez activement plaider non coupable et, idéalement, être en mesure de nommer la personne qui conduisait.

Vue macro d'un radar automatique le long d'une route québécoise avec effet de mouvement

Cette situation illustre un principe éthique fondamental de la surveillance : l’automatisation ne doit pas annuler le droit à la défense et la présomption d’innocence. Le système est conçu pour être efficace, mais il doit conserver des mécanismes pour corriger les erreurs et tenir compte des circonstances particulières. La contestation n’est pas une faille dans le système, mais une soupape de sécurité essentielle pour garantir son équité. Le processus, bien que pouvant sembler fastidieux, est un droit.

Plan d’action : contester une contravention par photo-radar

  1. Vérifier la date limite de contestation inscrite sur le constat d’infraction que vous avez reçu.
  2. Plaider non coupable en transmettant votre plaidoyer dans les 30 jours suivant la réception du constat.
  3. Rassembler les preuves qui soutiennent votre contestation (par exemple, une preuve que vous n’étiez pas sur les lieux, ou l’identité de la personne qui conduisait).
  4. Vous présenter à la cour municipale à la date qui vous sera communiquée pour l’audition de votre cause.
  5. Présenter vos arguments et vos preuves de manière claire et concise devant le juge.

Ainsi, même dans un système automatisé, la responsabilité individuelle reste la clé de voûte, et les mécanismes de contestation sont là pour le garantir.

Combien de temps la ville garde-t-elle les images de vous marchant dans la rue ?

La multiplication des caméras dans l’espace public soulève une question anxiogène : que deviennent ces milliers d’heures d’enregistrements où nous apparaissons ? Sont-elles conservées indéfiniment, créant une archive permanente de nos déplacements ? La réponse, encadrée par la loi, est heureusement non. Le principe de base qui gouverne la conservation des renseignements personnels, y compris les images vidéo, est celui de la limitation de la durée.

Les données ne doivent être conservées que le temps nécessaire à la réalisation des fins pour lesquelles elles ont été collectées. Une fois cet objectif atteint, elles doivent être détruites de manière sécuritaire. En matière de vidéosurveillance à des fins de sécurité générale (prévention du vol, du vandalisme), il n’y a pas de durée fixe gravée dans le marbre de la loi québécoise, mais des lignes directrices claires existent. Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada recommande une période de conservation très courte. En pratique, une durée de 30 jours est souvent considérée comme un maximum raisonnable, sauf si les images sont requises dans le cadre d’une enquête spécifique. Une conservation allant jusqu’à 1 mois maximum pour les enregistrements est donc une norme généralement acceptée.

Ce principe de temporalité limitée est un garde-fou crucial contre la création de vastes bases de données sur les habitudes des citoyens. Il garantit que la surveillance reste un outil ponctuel pour des besoins précis, et non un moyen de suivi permanent. C’est un élément clé de la proportionnalité technologique. Si l’objectif est de pouvoir enquêter sur un incident, une conservation de quelques semaines est suffisante. Aller au-delà serait disproportionné par rapport au but visé.

Il est également important de savoir que les citoyens ont des droits sur ces images. En vertu de la Loi sur l’accès à l’information, vous pouvez demander à un organisme public de consulter les enregistrements où vous apparaissez. Ce droit d’accès, bien que parfois complexe à exercer, est une autre façon de s’assurer que les règles de conservation sont respectées.

La destruction des données n’est pas un détail technique, mais un pilier de la protection de la vie privée dans un monde de plus en plus enregistré.

Pourquoi filmer le trottoir public peut vous exposer à des poursuites civiles ?

L’installation d’une caméra de surveillance par un particulier pour protéger sa propriété semble être un droit fondamental. Pourtant, ce droit s’arrête là où commence celui des autres, et la frontière est souvent le trottoir. Beaucoup de propriétaires pensent, à tort, que l’espace public est « filmable » par défaut. Or, au Québec, le cadre légal est très clair : la surveillance doit être limitée à votre propre terrain. Orienter une caméra pour qu’elle capte en continu le trottoir, la rue, ou pire, la propriété de votre voisin, constitue une atteinte à la vie privée.

Le fondement de cette protection ne se trouve pas dans une loi spécifique sur la vidéosurveillance, mais dans les principes les plus fondamentaux du droit québécois. Le Code civil du Québec et, surtout, la Charte des droits et libertés de la personne, sont sans équivoque.

Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

– Article 5, Charte des droits et libertés de la personne du Québec

Ce droit au respect de la vie privée ne s’évanouit pas dès que l’on franchit le seuil de sa porte. Un passant sur un trottoir, un voisin qui sort de chez lui, tous conservent une attente raisonnable de vie privée. Filmer leurs allées et venues de manière systématique est considéré comme une surveillance abusive. Une personne qui se sent épiée de la sorte peut intenter une poursuite civile et réclamer des dommages et intérêts, même si aucune image « compromettante » n’a été utilisée. C’est l’acte de surveillance continue lui-même qui est fautif.

Cet enjeu dépasse le simple conflit de voisinage. Il touche au cœur de ce qui définit l’espace public redéfini. Si chaque citoyen se met à surveiller la parcelle de trottoir devant chez lui, l’espace commun devient une mosaïque de zones de surveillance privées, changeant sa nature de lieu de passage anonyme à un lieu de traçabilité permanente. La sécurité d’un individu ne peut se faire au détriment de la liberté de tous les autres.

La règle d’or est donc simple : votre caméra doit voir votre propriété, et rien que votre propriété. Le reste appartient à l’espace commun, protégé par la Charte.

Pourquoi utiliser la biométrie pour la porte de la cafétéria est illégal ?

Imaginons une entreprise qui, pour simplifier l’accès à sa cafétéria, décide de remplacer les cartes d’employés par un système de reconnaissance par empreinte digitale. C’est rapide, moderne et cela évite les oublis de cartes. Sur le papier, l’idée semble séduisante. Pourtant, au Québec, une telle initiative serait très probablement jugée illégale. La raison tient en un mot : proportionnalité.

Les données biométriques (empreintes digitales, scan de l’iris, reconnaissance faciale) sont considérées comme des renseignements personnels extrêmement sensibles. Elles sont uniques, permanentes et directement liées à notre identité physique. Leur collecte et leur utilisation sont donc soumises aux exigences les plus strictes de la Loi 25 et de la jurisprudence. La Commission d’accès à l’information du Québec a établi de manière constante qu’une organisation ne peut exiger la collecte de données biométriques que si elle démontre qu’il n’existe aucune autre solution moins intrusive pour atteindre le même objectif.

Vue symbolique d'un système d'accès d'entreprise montrant différentes méthodes d'identification sans biométrie

Or, pour contrôler l’accès à une cafétéria, des solutions alternatives et beaucoup moins attentatoires à la vie privée existent en abondance. Voici quelques exemples :

  • Une carte d’employé avec une puce ou un code-barres.
  • Un simple code NIP (numéro d’identification personnel).
  • Une application mobile sécurisée.
  • Un badge traditionnel.

L’utilisation de la biométrie dans ce contexte est donc manifestement disproportionnée. Le gain en commodité est infime par rapport au risque que représente la création d’une base de données d’empreintes digitales de tous les employés. Que se passerait-il en cas de fuite de ces données ? Contrairement à un mot de passe, une empreinte digitale ne peut être changée. Ce manque de proportionnalité technologique rend la pratique illégale.

Avant de déployer une technologie de surveillance ou d’identification, la première question doit toujours être : est-ce vraiment nécessaire et n’y a-t-il pas un moyen plus simple et plus respectueux pour y parvenir ?

À retenir

  • La surveillance au Québec est encadrée par un principe de proportionnalité : la technologie doit être le moyen le moins intrusif pour atteindre un objectif légitime.
  • Les lois comme la Charte québécoise et la Loi 25 protègent la vie privée même dans l’espace public, limitant ce que les particuliers et les entreprises peuvent filmer.
  • Le débat ne porte pas sur le rejet de la technologie, mais sur la nécessité d’un débat démocratique avant l’adoption de chaque nouvel outil de surveillance pour éviter une normalisation passive.

Loi 25 au Québec : pourquoi votre PME risque 10 millions $ d’amende sans ce document ?

La Loi 25 modernisant la protection des renseignements personnels a fait grand bruit au Québec, notamment en raison de ses sanctions sévères. Pour une entreprise privée, les amendes peuvent atteindre 10 millions de dollars ou 2% du chiffre d’affaires mondial. Cette menace financière a pour but de forcer une prise de conscience : la gestion des données personnelles n’est plus une option, c’est une obligation incontournable. Et cela inclut les données collectées par des caméras de surveillance.

Pour une PME, l’idée de risquer des millions peut sembler abstraite. Pourtant, le non-respect de certaines obligations fondamentales peut rapidement vous mettre en situation de vulnérabilité. L’un des « documents » les plus cruciaux, mais souvent négligé, n’est pas un formulaire unique, mais un ensemble de pratiques formalisées. Au cœur de celles-ci se trouve la désignation d’un Responsable de la protection des renseignements personnels (souvent le dirigeant par défaut) et la mise en place d’une politique de confidentialité claire et accessible.

Cette politique doit expliquer quelles données vous collectez (y compris les images vidéo), pourquoi vous les collectez, combien de temps vous les gardez, et avec qui vous les partagez. Pour une boutique qui utilise des caméras, cela signifie informer les clients par un affichage clair, et avoir une politique interne qui encadre l’accès et la destruction des enregistrements. L’absence de ce cadre formel est une porte ouverte aux sanctions.

Le défi de la conformité est réel, même pour les plus grandes organisations. Une analyse a révélé que de nombreux sites gouvernementaux québécois peinaient eux-mêmes à respecter pleinement la loi. Cela montre que la conformité est un processus continu, pas un projet ponctuel.

Étude de cas : La difficile conformité des sites gouvernementaux à la Loi 25

Une analyse récente a mis en lumière des lacunes importantes dans le respect de la Loi 25 par les sites web du gouvernement du Québec. Parmi les problèmes fréquents, on notait l’absence d’une liste claire des partenaires avec qui les données sont partagées, un manque d’information sur le transfert éventuel de données hors du Québec, et l’impossibilité pour les utilisateurs de modifier leurs choix de consentement. Pire encore, des pisteurs publicitaires (Google, Meta) étaient souvent activés avant même que l’utilisateur n’ait pu exprimer ses préférences, en violation directe du principe de consentement préalable.

Les sanctions varient, mais le message est le même pour tous : la protection des données est une responsabilité non négociable.

Le tableau ci-dessous, basé sur des informations publiques, illustre la gradation des sanctions et des exigences selon la nature de l’organisation.

Comparaison des amendes selon la taille de l’entreprise
Type d’entreprise Amende maximale Documents requis
PME (moins de 50 employés) 50 000 $ ou jusqu’à 10M $ Politique de confidentialité, Responsable désigné
Grande entreprise 100 000 $ ou jusqu’à 25M $ Politique, ÉFVP, Registre des incidents
Organisme public Sanctions administratives Conformité complète requise

Pour une PME, l’étape la plus urgente n’est pas de viser une conformité parfaite et immédiate, mais de commencer par les bases : nommer un responsable, rédiger une politique simple et être transparent avec ses clients et employés. C’est le premier pas pour démontrer sa bonne foi et minimiser les risques.

Questions fréquentes sur la surveillance et la vie privée au Québec

Puis-je demander l’accès aux images où j’apparais?

Oui, en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics, vous pouvez demander l’accès aux enregistrements vous concernant auprès du responsable de l’accès à l’information de l’organisme.

Que faire si je suspecte une conservation abusive?

Vous pouvez porter plainte auprès de la Commission d’accès à l’information du Québec qui pourra enquêter sur les pratiques de conservation.

Les images peuvent-elles être utilisées à d’autres fins?

Non, les images ne doivent servir qu’aux fins pour lesquelles la surveillance a été mise en place, sauf autorisation légale spécifique.

Rédigé par Simon Larochelle, Avocat au Barreau du Québec spécialisé en responsabilité civile et droits de la personne. Il possède une expertise pointue sur les enjeux légaux de la surveillance, de la légitime défense et de la protection de la vie privée au Canada.